

de Louis Chauvel
Tandis que nous nous inquiétons de ses marges, c’est peut-être en son cœur que la société française se désagrège.
Privilégiées ou condamnées ? Les classes moyennes ne connaissent certes pas les difficultés des périphéries les plus déshéritées (pauvreté, exclusion, relégation…). Mais leur apparent confort dissimule un cruel déficit d’avenir. Tandis que nous nous inquiétons de ses marges, c’est peut-être en son cœur que la société française se désagrège.
Où est ce cœur ? Il ne s’agit pas seulement d’un « juste milieu » entre l’élite et les classes populaires. La centralité des classes moyennes tient d’abord à l’imaginaire de progrès et d’émancipation qui leur fut longtemps associé et dont témoignent les grandes conquêtes sociétales des années 1950-1970 : propriété du logement, départs en vacances, acquisition d’une automobile, contraception, accès à l’université, etc. C’est cet imaginaire qui s’effondre aujourd’hui. De même qu’elles associèrent les autres à leurs succès, les classes moyennes les entraînent à présent dans leurs difficultés. Leur dérive pourrait devenir demain le cauchemar de tous.
Louis Chauvel, sociologue, est professeur à Sciences Po. Chercheur à l’Observatoire des conjonctures économiques (OFCE) et à l’Observatoire sociologique du changement (OSC), il est aussi membre de l’Institut universitaire de France. Spécialiste des inégalités et des dynamiques générationnelles, il est l’auteur du Destin des générations (PUF, 1998).
Comme il semble loin le temps béni des Trente Glorieuses où les classes moyennes étaient promises à un avenir radieux ! Frappées de plein fouet, comme les autres classes sociales, par une précarité sans cesse grandissante, secouées par une fracture générationnelle de plus en plus criante, le centre de gravité "historique" autour duquel s'organisait la société française de l'après-guerre, aujourd'hui doute et vacille. Cette étude capitale au regard des prochaines échéances électorales constitue une fulgurante plongée au coeur du malaise français.
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